Les personnes morales concernées
Toute personne morale, de droit privé ou de droit public, peut être condamnée pénalement au même titre qu’une personne physique.
Peuvent faire l’objet de poursuites pénales aussi bien les personnes morales de droit privé (sociétés, associations, syndicats, G.I.E, comités d’entreprise…) que de droit public (collectivités territoriales, établissements publics…), les personnes morales françaises mais aussi, le cas échéant, étrangères.
Précision : il faut toutefois préciser, s’agissant des collectivités et de leurs groupements, qu’ils ne sont responsables que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de convention de délégation de service public.
De la même façon que le décès de la personne physique, la disparition de la personne morale empêche les poursuites pénales à son encontre.
Attention : il faut ici se souvenir que la dissolution d’une société n’entraîne pas ipso facto sa disparition. La dissolution emporte, en principe, la liquidation de la société et la personne morale survit pour les besoins des opérations de liquidation. Pendant la période de liquidation, la personne morale est donc susceptible d’être poursuivie pénalement, tant pour des faits antérieurs à la dissolution que pour des faits commis pendant la liquidation.
Il en va toutefois différemment lorsque la dissolution intervient dans le cadre d’une opération de fusion/absorption, qui implique la dissolution sans liquidation de la société absorbée. La société absorbée n’a plus d’existence juridique et ne peut donc plus faire l’objet de poursuites pénales. La Cour de cassation a, de surcroît, précisé que la société absorbante ne peut pas non plus être tenue pénalement responsable des faits commis par la société absorbée. Le principe est donc ici l’inverse de celui applicable en matière de responsabilité civile car, ainsi que l’énonce l’article 121-1 du Code pénal : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».
Les infractions concernées
Une personne morale peut engager sa responsabilité pénale pour toutes les catégories d’infractions quel que soit leur mode de commission.
Sauf rares exceptions (notamment infractions de presse), les personnes morales peuvent engager leur responsabilité pénale pour toutes les infractions (contraventionnelles, délictuelles ou criminelles) pour lesquelles les personnes physiques peuvent être condamnées.
En pratique : les infractions pour lesquelles les personnes morales sont les plus susceptibles d’être condamnées pénalement sont naturellement celles en rapport avec le domaine économique (violation des règles de concurrence, contrefaçon, pratique commerciale trompeuse, exercice illégal de certaines activités professionnelles, corruption…), comptable ou financier (comptes ne donnant pas une image fidèle de l’entreprise, blanchiment, infractions boursières…) ou la législation du travail (violation des règles de sécurité au travail, harcèlement, discrimination…).
Non seulement toutes les catégories d’infractions sont, par principe, visées mais également tous les modes de commission d’infraction. Notamment, une personne morale peut être condamnée pour fait de complicité.
Les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales
Pour pouvoir engager la responsabilité pénale d’une personne morale, il faut que l’infraction ait été commise par un organe ou un représentant de celle-ci et que l’infraction ait été réalisée pour son compte.
Pour qu’une personne morale soit condamnée pénalement, deux conditions doivent être réunies :
- les faits reprochés doivent avoir été commis par un organe ou un représentant de la personne morale ;
- l’infraction doit avoir été réalisée pour le compte de la personne morale.
Infraction commise par un organe ou un représentant de la personne morale
Les organes sont les personnes ou ensembles de personnes qui sont désignés par la loi ou par les statuts de la personne morale pour agir au nom de celle-ci et pour en assurer la direction et la gestion. Ainsi, par exemple, pour une SARL, l’organe sera le ou les gérant(s). Dans une SA, il s’agira du président du conseil d’administration, du directeur général, du président du directoire, du conseil d’administration, du directoire ou du conseil de surveillance.
À noter : la Cour de cassation a admis que l’organe impliqué puisse être un dirigeant de fait.
Les représentants sont tous ceux qui peuvent agir pour le compte de la personne morale et l’engager aux yeux des tiers. C’est le cas notamment des administrateurs provisoires, mais aussi et surtout des salariés ou des tiers ayant reçu une délégation de pouvoirs.
Attention toutefois, l’organe ou le représentant auteur des faits doit avoir été identifié précisément. Cette exigence a encore été récemment rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 septembre 2016. En l’espèce, suite à un contrôle effectué en juin 2008, une société exploitant un magasin de vente de produits surgelés et son dirigeant avaient fait l’objet de poursuites pénales pour violation d’un arrêté préfectoral imposant, en application de l’article L. 3132-29 du Code du travail, aux établissements vendant au public des denrées alimentaires une fermeture hebdomadaire. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait finalement relaxé le dirigeant car il avait été établi qu’à la date du contrôle il ne travaillait pas au sein de la société. Elle avait, en revanche, condamné la société à une peine d’amende. La Cour de cassation a censuré cette décision. Dans la mesure où le dirigeant poursuivi ne pouvait pas être mis en cause pour les faits reprochés, la cour d’appel ne pouvait condamner la société sans avoir préalablement recherché par quel organe ou représentant l’infraction reprochée avait été commise.
Infraction réalisée pour le compte de la personne morale
Cette condition est entendue très souplement par les tribunaux, au point qu’on devrait la considérer satisfaite chaque fois que l’infraction n’a pas été commise dans l’intérêt exclusif de l’organe ou du représentant auteur des faits.
Les peines applicables
La personne morale qui a commis une infraction peut être condamnée à une amende d’un montant maximal cinq fois supérieur à celle encourue pour la même infraction par une personne physique.
La peine principalement encourue par une personne morale est forcément d’ordre pécuniaire : c’est l’amende (on n’imagine pas une personne morale effectuer une peine de prison). Le montant de cette amende ne pouvant dépasser 5 fois celle encourue pour la même infraction par les personnes physiques. Ce taux est toutefois porté à 10 fois en cas de récidive.
Précisions : certains textes prévoient la possibilité d’augmenter le maximum de l’amende encourue par les personnes physiques pour un délit donné en tenant compte soit de la valeur des biens sur lesquels porte le délit, soit du profit retiré de la commission de l’infraction. Dans le cas d’un crime pour lequel aucune peine d’amende n’est prévue à l’encontre des personnes physiques, l’amende encourue par les personnes morales est de 1 million d’euros. Pour les délits et contraventions, l’amende peut être remplacée par des peines alternatives (en particulier, la sanction-réparation pour les délits et contravention de 5e classe).
La peine principale peut, si le texte réprimant l’infraction le prévoit ou en cas de récidive, s’accompagner d’une ou plusieurs peines complémentaires. Parmi celles-ci figurent notamment la dissolution, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ou encore la fermeture d’établissement.
Le cumul de responsabilités
Le cumul de la responsabilité pénale de la personne morale avec celle, personnelle, de l’organe ou du représentant auteur des faits n’est pas automatique.
La responsabilité pénale de la personne morale ne se cumule pas nécessairement avec celle de l’organe ou du représentant auteur des faits réprimés.
Il a pu ainsi arriver que l’organe ou le représentant ayant commis les faits soit relaxé alors que la personne morale avait, quant à elle, pour les mêmes faits, été condamnée.
L’exonération de l’organe ou du représentant peut résulter des causes subjectives/personnelles à cet organe ou représentant. C’est le cas, par exemple, du dirigeant qui sera exonéré de toute responsabilité pénale car souffrant de trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
En revanche – et à la différence des principes de la responsabilité civile personnelle du dirigeant –, celui-ci ne pourra pas espérer échapper à sa responsabilité pénale en faisant valoir que c’est dans le cadre de l’exercice de ses fonctions de dirigeant que l’infraction a été commise (la notion de faute détachable ne joue pas ici).
L’exclusion de la responsabilité de l’organe ou du représentant auteur de l’acte peut également résulter de l’application des dispositions de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal aux termes desquelles les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, ne sont responsables pénalement que s’il est établi qu’elles ont soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Sur cette question du cumul de la responsabilité de la personne morale avec celle, personnelle, de l’organe ou du représentant auteur des faits, une circulaire du garde des Sceaux donne des indications sur la politique pénale à adopter en opérant une distinction entre infractions intentionnelles et infractions non intentionnelles. Dans le cas d’infractions intentionnelles, la règle doit être celle du cumul des poursuites. À l’inverse, dans le cas d’infractions non intentionnelles, la circulaire recommande de privilégier la poursuite de la seule personne morale et de ne mettre en cause la responsabilité de la personne physique que si une faute personnelle est suffisamment établie à son encontre pour justifier une responsabilité pénale.
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