Cautionnement du dirigeant et erreur dans la mention manuscrite



Résumé : Lorsqu’un dirigeant se porte caution pour sa société envers un créancier professionnel, en particulier à l’égard d’une banque en contrepartie de l’octroi d’un crédit, et que ce contrat est établi par acte sous seing privé (c’est-à-dire sans l’intervention d’un notaire), il doit faire précéder sa signature d’une mention manuscrite bien précise prévue par la loi. Et attention, si cette mention n’est pas correctement reproduite, le cautionnement est susceptible d’être annulé.

Le texte de la mention manuscrite

La mention manuscrite que le dirigeant doit écrire sur l’acte de cautionnement avant d’y apposer sa signature est prévue par l’article L. 331-1 du Code de la consommation.

Le texte de la mention que la personne qui se porte caution pour une société envers une banque doit écrire de sa main avant de signer l’acte est le suivant : « En me portant caution de la société X dans la limite de la somme de ... € couvrant le montant du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard et pour la durée de ..., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société X n’y satisfait pas elle-même. »

Cas dans lesquels le cautionnement a été annulé

Les juges annulent un cautionnement lorsque l’inexactitude de la mention manuscrite a porté atteinte au sens et à la portée de celle-ci.

Pour tenter d’échapper à leur obligation de caution, les dirigeants de société n’hésitent pas à invoquer en justice l’existence d’une erreur dans la mention manuscrite. Parfois, ils obtiennent gain de cause, et parfois non, comme en témoignent quelques affaires récentes...

Un dirigeant de société a de grandes chances de faire annuler un cautionnement lorsque l’inexactitude de la mention manuscrite a porté atteinte au sens et à la portée de celle-ci, de sorte qu’il a pu mal comprendre l’étendue de son engagement.

Ainsi, un cautionnement a été annulé au motif que la durée indiquée dans la mention n’était pas suffisamment précise. En l’espèce, la mention stipulait un engagement du gérant jusqu’au 31 janvier 2014 « ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal (c’est-à-dire la société). Les juges ont estimé que cette mention ne permettait pas à l’intéressé de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci. Et ce, même si, en sa qualité de gérant, il aurait évidemment eu connaissance d’un éventuel report de cette date (Cass. com., 13 décembre 2017, n° 15-24294).

A également été invalidé un cautionnement dont la mention manuscrite comportait une erreur sur l’identité du débiteur. En l’occurrence, la mention faisait état du nom d’une filiale au lieu de celui de la société cautionnée (Cass. com., 15 novembre 2017, n° 15-27045).

Même punition pour un acte de cautionnement sur lequel le dirigeant avait écrit se porter « caution de 240 000 € » au lieu de « caution de la société X dans la limite de la somme de 240 000 € ». Ici, l’indication du débiteur principal et les mots « dans la limite de » avaient donc été oubliés. De plus, plusieurs conjonctions de coordination articulant le texte et lui donnant sa signification avaient été omises. Pour les juges, l’accumulation de ces irrégularités constituait une méconnaissance significative des obligations légales qui affectait le sens et la portée de la mention manuscrite (Cass. com., 10 janvier 2018, n° 15-26324).

Cas dans lesquels le cautionnement a été déclaré valable

Les juges refusent d’annuler un cautionnement lorsque l’erreur dans la mention manuscrite est simplement matérielle et ne porte pas atteinte au sens ni à la portée de celle-ci.

Les tribunaux refusent d’annuler un cautionnement lorsque l’erreur commise dans la reproduction de la mention est mineure et n’affecte donc ni le sens ni la portée de celle-ci.

Ainsi, pour les juges, un cautionnement est valable :
- même si la ponctuation a été omise (Cass. com., 14 juin 2016, n° 15-11106) ;

- si le mot « banque » a été substitué à celui de « prêteur » (Cass. civile 1
re
, 10 avril 2013, n° 12-18544) ;

- ou encore si, après les mots « je m’engage à rembourser au prêteur », a été ajouté « ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apport d’actifs » (Cass. com., 27 janvier 2015, n° 13-24778).

De même, les juges ont refusé d’annuler un cautionnement souscrit au profit d’une banque par un dirigeant d’une société qui faisait valoir que la mention manuscrite n’avait pas été écrite de sa main mais par sa secrétaire. En effet, dans la mesure où cette dernière avait rédigé la mention à la demande du dirigeant, qui écrivait mal le français, et en sa présence, les juges ont considéré qu’il avait eu pleinement conscience de son engagement, tout autant que s’il l’avait écrite lui-même (Cass. com., 20 septembre 2017, n° 12-18364).

À noter : parfois, l’omission de certaines mentions dans la mention manuscrite ne rend pas le cautionnement nul mais emporte néanmoins des effets. Ainsi, lorsque le mot « intérêts » ne figure pas dans la mention, les juges considèrent que le cautionnement ne couvre que le principal de la dette (Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-24706). De même, si les termes « mes biens » ont été oubliés, la caution n’est engagée que sur ses revenus (Cass. com., 1
er
 octobre 2013, n° 12-20278).

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