La gastronomie, c’est une histoire de famille ?
Vincent Ferniot : assurément ! L’atavisme gastronomique est un fil conducteur chez les Ferniot. Mon père, à la fois journaliste politique et critique gastronomique, nous a fait grandir dans l’univers du bien-manger en nous emmenant très jeunes au marché, dans les restaurants étoilés, et en nous transmettant à la fois sa passion des saveurs et des terroirs, ainsi que sa forte exigence sur la qualité des produits.
Par la suite, mon parcours médiatique depuis 30 ans a souvent eu pour toile de fond la gastronomie : des chroniques culinaires à la télévision (Télématin, puis pour Midi en France) en passant par l’animation d’événements autour de la gastronomie (le Bocuse d’or depuis 20 ans, la Coupe du monde de la pâtisserie). Je vis au milieu des chefs et des grands pâtissiers en permanence et je les considère un peu comme ma deuxième famille.
Comment a démarré l’aventure Boco ?
V. F. : Boco est une société que j’ai créée avec mon frère Simon en 2011. Avec la gastronomie en tronc commun comme héritage familial, la motivation de départ était de monter une affaire ensemble autour de la restauration. Mon frère, diplômé de l’école hôtelière de Lausanne, venait de revendre une société de compléments alimentaires (OM3) et disposait d’un peu de capital. Nous avons mêlé nos talents respectifs et complémentaires : lui comme manager et homme de marketing et moi avec mon expertise culinaire et comme homme de la communication. Nous cherchions un concept de restauration rapide de qualité à la frontière du moderne et du traditionnel que nous avons concrétisé avec l’idée des bocaux : un contenant permettant la conservation et l’intégrité du produit depuis la production jusqu’au moment où on le sert sur la table. Le deuxième socle fondateur de notre concept, le contenu, supposait de nous entourer des meilleurs pour les recettes. L’évidence des chefs étoilés du Michelin s’est donc imposée à nous.
Parlez-nous de cette collaboration avec les toques étoilées ?
V. F. : Boco, c’est aussi une formidable aventure collective avec « la bande à Boco » constituée de chefs étoilés et de pâtissiers de renom qui nous concèdent des recettes en licence, mais qui restent libres de s’en aller quand ils veulent. Anne-Sophie Pic, qui a fait partie de l’aventure pendant 3 ans, s’est ainsi retirée pour monter le concept DailyPic à Valence. En échange de leur image, de leur technicité en cuisine et de leur nom qu’ils nous concèdent, nous leur versons une redevance et nous communiquons sur leur image auprès d’un segment de clientèle de la restauration auquel ils n’ont pas forcément accès. À l’avenir, nous allons faire beaucoup plus tourner les chefs étoilés. Au-delà des permanents qui forment la « bande à Boco », depuis la rentrée, nous avons des chefs invités pour 2 mois, ce qui permet de renouveler l’offre et de maintenir une animation importante.
Comment expliquez-vous votre succès ?
V. F. : nous nous sommes donnés les moyens d’imposer une marque qui soit connue et reconnue, tout en restant fidèles à nos valeurs. Notre objectif était de créer un segment de restauration qui n’existait pas, celui de la « fast-gastronomie ». Nous avons créé une passerelle entre la haute gastronomie et la restauration rapide. Boco propose une restauration de qualité en libre-service : c’est de la véritable cuisine dans un flux de restauration rapide. Notre succès repose aussi sur notre capacité à avoir fédéré les plus grands chefs étoilés et des pâtissiers de renom autour de recettes à la fois bonnes, saines et pratiques.
Quelles difficultés avez-vous rencontré ?
V. F. : le premier écueil provient du fait que nous ne venions pas du milieu de la restauration. Nous sommes arrivés avec nos certitudes et nos envies d’abord en tant que clients de restaurants, et ensuite de marketeurs et de communicants. Mais il nous manquait l’expérience terrain. Nous nous sommes fourvoyés sur certains emplacements et trompés sur certains franchisés. Côté emplacements, nous avons dû fermer le restaurant à Saint-Lazare qui ne marchait pas et celui à La Défense en raison d’un loyer exorbitant et qui n’a pas trouvé un rythme de croisière suffisant pour maintenir l’équipe. Côté franchisés, nous avons dû arrêter certaines collaborations (Luxembourg, Genève…). Il est important de s’entourer d’entrepreneurs qui connaissent ce métier et qui sont en mesure de maîtriser la gestion d’une exploitation de restauration. La deuxième difficulté a été le choix du 100 % bio fait au départ et que nous avons dû stopper 3 ans plus tard pour 2 raisons : d’une part, le surcoût lié au bio obérait fortement notre rentabilité ; d’autre part, le manque de structuration de cette filière s’est avéré incompatible avec nos cartes travaillées 6 mois à l’avance. Nous avons donc repositionné notre offre sur l’agriculture raisonnée et la naturalité (absence d’intrants, d’améliorants, de texturants, de conservateurs…). L’abandon du bio nous a fait perdre 10 % de notre clientèle.
Où en est votre développement en franchise et comment recrutez-vous vos franchisés ?
V. F. : nous avons gardé le strict minimum en propre, à savoir nos 2 restaurants parisiens (Mathurins, Opéra). La 1re franchise remonte à 2014 et nous disposons de 9 restaurants franchisés en France et 2 à Bruxelles. Nous sommes énormément sollicités, avec 2 à 3 demandes par semaine.
Malgré notre petite taille, nous avons réussi à imposer une marque avec une très forte notoriété dans le milieu de la restauration rapide. D’où une vraie appétence de candidats à la franchise pour notre enseigne. Nous sommes nécessairement devenus très sélectifs compte tenu de l’afflux de demandes et de nos échecs passés. C’est un métier difficile qui demande une polyvalence énorme : nous recherchons des franchisés qui connaissent, non seulement leur ville, mais aussi leur zone de chalandise, qui maîtrisent parfaitement le métier de la restauration et qui se lancent donc dans l’aventure en toute connaissance de cause.
Quels sont vos projets de développement ?
V. F. : nous souhaitons développer notre solution de restauration dans des lieux qui attendent une restauration de qualité sans personnel cuisinant : il s’agit en priorité de l’hôtellerie, et notamment des hôtels mid-scale (3-4 étoiles) en région, qui sont tenus de proposer une solution de restauration à leurs clients, mais aussi des lieux de restauration en coworking ou des espaces de petite restauration en entreprise, des lieux de spectacle ou d’événementiel. Dans cette optique, nous démarrons au 1er mars une nouvelle gamme pasteurisée qui permet de préserver la qualité organoleptique et les nutriments tout en offrant une conservation de plus de 2 mois à 4°C. Concernant la franchise, nous tablons sur un développement maîtrisé avec une quinzaine de points de vente en France d’ici la fin de l’année et une trentaine d’ici 2020. Enfin, nous ambitionnons un développement à l’international via des licences car nous avons beaucoup de demandes.
Fiche d’identité
Dénomination : Boco
Activité : restauration rapide de qualité
Implantations : 2 en propre
Franchise depuis 2014 : 9 en France et 2 à Bruxelles
Partenariats : SNCF (voitures-bars TGV depuis 2013), compagnies aériennes (HOP !, Air Caraïbes), Room Saveurs (plateaux-repas aux entreprises), plates-formes de livraison pour les particuliers (Deliveroo, Foodora, UberEats)
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