Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) du 22 février 2018 vient à nouveau d’éclairer les conditions dans lesquelles un employeur dispose de la possibilité de consulter les fichiers stockés par son salarié sur son ordinateur professionnel sans violer sa vie privée. Dans cette affaire, un cadre de la SNCF avait dû s’absenter pendant plusieurs semaines. Son remplaçant, qui utilisait son ordinateur, avait constaté la présence sur le disque dur de nombreuses images pornographiques (1 562 fichiers) et de plusieurs documents frauduleux. Alertée, la direction régionale de la SNCF avait procédé à la radiation de l’agent. Ce dernier avait alors contesté cette sanction au motif, notamment, qu’elle se basait sur la consultation de documents privés auxquels son employeur ne pouvait accéder en son absence ou sans qu’il en soit informé. Le salarié rappelant à ce propos qu’il avait pris soin de rebaptiser le disque dur de sa machine « D:données » en « D :données personnelles ».
La position des juges
Les juges français, puis la CEDH, ont estimé que l’employeur était dans son droit lorsqu’il a accédé seul à ces différents documents. Ils ont ainsi rappelé que dans la mesure où l’utilisation du matériel professionnel à des fins privées n’était qu’une tolérance (élément rappelé par la charte informatique de la SNCF), affecter un disque dur entier à ce seul usage n’était pas acceptable. En outre, sur ce même disque, se trouvaient également de nombreux fichiers professionnels, ajoutant ainsi à la confusion.
Par ailleurs et surtout, les fichiers contenant les attestations frauduleuses s’appelaient « Fred P », « Socrif », « Catherine » et le répertoire qui abritait les images pornographiques était baptisé « Rires ». Aucun de ces documents ne contenait dans son nom les mentions « privé » ou « personnel ». N’étant pas ainsi clairement identifiables comme étant des documents personnels, l’employeur était en droit de les considérer comme professionnels et donc de les consulter librement c’est-à-dire hors de la présence du salarié sans pour autant violer sa vie privée.
CEDH du 22 février 2018, requête n° 588/13
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